La dérive sectaire est un sujet sensible. Dans cet article nous allons faire un tour d’horizon de ce concept épineux. Ce faisant je vais adopter une voie médiane entre la posture de beaucoup de sociologues contemporains qui nient l’existence de groupes sectaires, et celle de certains penseurs qui veulent voir dans tout nouveau mouvement religieux un danger. La dérive sectaire est une réalité complexe mais très présente de nos jours.

Historiquement, une secte est un groupe de personnes reconnaissant une même doctrine. Dérivé du latin secta « doctrine, voie suivie », on l’utilisait aussi bien pour le Christianisme que pour l’Epicurisme et des mouvements philosophiques, poétiques, ou mystiques pendant l’Antiquité. Cette première définition pose problème car elle assimile religion et secte, et ne permet pas d’appréhender les nuances que ce terme revêt. Ainsi l’Hindouisme serait autant une secte que la scientologie.

dérive sectaire et pseudo-médiums

Pourtant quand on entend le mot secte on pense à la Scientologie, au Raëlisme ou à l’OTS : leurs croyances sont étranges, leurs chefs charismatiques adulés fanatiquement, et elles font du mal à leurs adeptes.
Il s’agirait donc de mouvements spirituels, soit nouveaux soit issus de religions connues, et formés autour d’une figure charismatique. Mais cette définition est problématique : en effet, considérer que tout nouveau mouvement religieux serait, simplement par la nouveauté de ses doctrines ou sa création récente, une secte est absurde. Le christianisme a bien commencé à un moment de l’histoire, et il en va de même de toutes les religions du monde.
De plus, on retrouve des groupes sectaires sans leader charismatique, ce dernier étant mort, ou une doctrine remplaçant le traditionnel gourou ; de même peut-on trouver des manipulateurs sectaires dans le milieu des thérapies alternatives, de la formation, du développement personnel etc.

Aujourd’hui on utilise donc plus volontiers le terme de dérive sectaire. D’après la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) une dérive sectaire est « la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre ».
A mon sens, la Secte est ainsi la forme religieuse que peut prendre la dérive sectaire.

La dérive sectaire et son rapport à la société

La MIVILUDES propose dix critères qu’elle retient pour qualifier un mouvement de « dérive sectaire », elle parle notamment des

  • Détournements des circuits économiques classiques
  • Démêlés avec la justice
  • Troubles à l’Ordre Public
  • Tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.

La secte serait ainsi un groupe qui, par l’embrigadement de ses membres, voire de leurs enfants, chercherait à créer une société parallèle ou à détruire la République. La MIVILUDES rappelle la difficulté de la législation sur les sectes : en effet les libertés de conscience et d’opinion reconnues par les Droits de l’homme rendent difficile de combattre les sectes. L’accent n’est donc pas mis sur l’idée de définition légale de ce qu’est une secte, mais sur ce qui fait qu’un mouvement outrepasse les libertés de culte et de conscience. Dans cette optique on peut inclure ici la Scientologie (embrigadement des enfants, demandes financières, entrisme etc), le Raelisme et l’OTS, le néo-bouddhisme Rigpa (viols, meutres, démêlés avec la justice), mais aussi certains mouvements new-age puisque la justice Française reconnaît la sujétion psychique et l’emprise/manipulation mentale comme des délits.

Les atteintes à la Personne

En se basant sur les travaux de l’UNAFDI (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes) et du docteur Hassan, nous pouvons définir plusieurs axes des atteintes de la dérive sectaire envers la personne :

  1. Financières : le gourou ou le pseudo-thérapeute va demander des sommes de plus en plus importantes à l’adepte, ou le couper de ses moyens de subsistance pour le soumettre à son contrôle.
  2. Sociales : pour étendre son emprise, le gourou ou la secte tendra à la destruction des familles, au rejet des proches et amis, et généralement à l’isolement social et à la séparation d’avec la société, vue essentiellement négativement.
  3. Physiques : on pourra trouver des cas de tortures, de viols, de privations de sommeil ou de nourriture… On peut aussi citer la demande d’arrêt des soins par les pseudo-thérapeutes new-age, ou l’utilisation de pseudo-sciences parfois dangereuses.
  4. Psychologiques et émotionnelles : la secte se définit avant tout par sa volonté d’assujetissement mental des adeptes. Il s’agit d’user de contrôler toute forme d’information et de savoir, de reconfigurer les comportements, croyances et symboles de la personne pour s’immiscer profondément dans son univers mental. La culpabilisation est souvent utilisée : par exemple, les mouvement new-age ou d’inspiration « orientale » utiliseront le principe de Karma pour rendre le malade responsable de sa maladie. Si ce dernier ne guéris pas avec le traitement préconisé, c’est aussi de sa faute.

Secte et Religion : deux archétypes

La typologie webero-troeltschienne est un moyen de classer les mouvements religieux selon deux modèles idéaux: la secte et l’église.
Selon cette conception, on naît généralement dans l’église, qui est étroitement liée à la société dans laquelle on vit, mais on peut choisir de rejoindre une secte par conversion. Weber et Troeltsch ont également soutenu que l’église est plus encline à accepter des compromis avec le monde que la secte qui se veut exclusive. Enfin, ils ont noté que dans l’église, il existait deux groupes de personnes : les clercs ou les religieux d’une part, et les laïcs de l’autre. Les clercs sont soumis à une morale plus exigeante que les laïcs, mais dans la secte, tous les membres sont généralement considérés comme égaux et sont soumis à la même morale exigeante.

Une autre différence entre la Secte et la religion réside dans l’aspect systématique des dérives : si la Religion peut avoir en son sein des dérives, elles ne sont pas systématiques ; tandis que dans la secte, le message n’est que secondaire au besoin de prédation du gourou ou du groupe. En effet, l’impulsion religieuse et sectaire sont radicalement opposées : le fondateur religieux cherche à apporter au monde une doctrine, une technique ou un message qui lui semble primordial, alors que le gourou ne crée la secte que comme prétexte à l’expression de ses bas instincts.
Dans le cas d’un gourou, le groupe, la secte, et la doctrine, ne sont que des paravents : ce dernier cherche avant tout à assoir son pouvoir. Les gratifications sexuelles, financières, etc, ne sont jamais que secondaires à son besoin psychopathique de contrôle de soumission et d’emprise. S’il viole, ce n’est pas seulement par désir sexuel : c’est avant tout pour briser, se prouver sa puissance. S’il vole, c’est aussi pour cela. Ce qui différencie la dérive sectaire et la simple arnaque, c’est la dimension groupale de celle-ci : la secte permet que le gourou puisse obtenir l’obéissance de ses adeptes implicitement si bien que sa responsabilité peut être dure à prouver. De plus, le gourou peut même s’auto-convaincre de la véracité de ses doctrines, par l’impact qu’elles ont sur ses disciples.

Il n’existe ainsi pas d’absolu en matière de secte, mais une relativité : certaines sectes sont moins dangereuses que d’autres, et certaines religions peuvent produire des dérives sectaires. Il serait, je pense, intéressant de créer une échelle entre ces deux pôles, et de juger un mouvement, au sein de son cadre culturel, selon plusieurs axes, issus des définitions que nous avons vues :

1        – Dimension personnelle :

a)      Degré d’orthopraxie et obéissance demandée, et présence ou non d’atteintes physiques

b)     Degré de contrôle social et présence ou non d’un isolement de l’adepte

a)      Degré d’orthodoxie demandée, et présence ou non d’atteintes psychiques

2 – Dimension sociale et étatique :

a)      Problèmes juridiques, et nature de ceux-ci

b)     Atteintes financières et détournements de fonds en général

c)      Entrisme et volonté ou non d’attenter à la salubrité de l’état


Si vous avez la moindre question, anecdote ou réflexion vous pouvez laisser un commentaire, je me ferai un plaisir d’y répondre.
Si vous avez un proche en proie à un gourou, ou victime d’une dérive sectaire, ou que vous-même avez besoin de parler ou d’être conseillé sur ce sujet, n’hésitez pas à me contacter pour prendre rendez-vous !


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