Le concept d’Unus Mundus est probablement le point culminant de la pensée Jungienne. Situé à mi-chemin entre Sciences dures et Philosophie, cette idée est révolutionnaire. Voyons cela ensemble !

Le dualisme ontologique est une pensée répandue de nos jours ; probablement initiée par l’Inde (et notamment le Sâmkhya) puis par les philosophies pythagoriciennes et platoniciennes, il s’agit de considérer que corps (ou matière) et esprit sont radicalement séparés. Pourtant, originellement, les peuples européens étaient monistes. De nos jours, avec le progrès des sciences, il semble qu’on tende de plus en plus à revenir à cette idée d’unité indéfectible du corps et de l’esprit.

Ma propre conviction est que le mental et le physique ne sont pas si différents qu’on le pense généralement. Je devrais définir par occurrence mentale ce que quelqu’un sait autrement que par inférence ; la distinction entre le mental et le physique incombe par conséquent à la théorie de la connaissance et non pas à la métaphysique.

Bertrand Russel La connaissance humaine – Sa portée et ses limites

L’Unus Mundus entend aussi unifier, au delà des seuls concepts de corps et d’esprit, tout : des phénomènes aux objets, en passant par la séparation interne-externe, et sujet-objet. Marie-Louise Von Franz parlera d’un Tout psycho-physique.

Unus Mundus ou la conjonction des contraires

Il ne fait pas de doute que l’idée d’un « monde un » est fondée sur l’hypothèse que la multiplicité du monde empirique repose sur la base d’une unité de ce même monde […]. Tout ce qui est séparé et distinct appartient suivant cette conception à un seul et même monde qui, toutefois, n’est pas sensible, mais représente un postulat

Carl Gustav Jung, Mysterium Conjunctionis 

Ainsi, au delà de cette idée d’unité interne à l’homme, l’idée d’Unus Mundus de Jung entend comprendre aussi en quoi l’individu et le monde qui l’entoure sont unis ; ce concept est en effet une tentative pour Jung de décrire l’unité intrinsèque de la réalité, dont les séparations entre sujet et objet, mais aussi entre phénomènes, serait une pure production de l’esprit. David Bohm cherchera pareillement, par sa théorie de l’ordre implicite, à comprendre l’unité intrinsèque du réel par delà l’illusion qu’en produit notre esprit ; cette idée de monde holographique sera reprise par le professeur en psychiatrie et psychologie Karl H. Pribram pour sa théorie holonomique du cerveau.

L’idée d’Unus Mundus repose sur plusieurs idées dont les Archétypes, et les Synchronicités : tandis que les archétypes seraient des expressions intérieures de l’union entre le monde et l’observateur, la synchronicité est l’idée selon laquelle certains évènements, pourtant non-reliés par une chaine causale, seraient pourtant unis ; le phénomène et celui qui l’observe seraient ainsi reliés. Jung avait étudié ainsi en quoi l’humeur pouvait avoir un impact sur le hasard par exemple.
Les synchronicités seraient ainsi l’incarnation dans le monde phénoménales des archétypes : nous percevons dans le monde externe nos archétypes internes, et donnons du sens à un évènement d’apparence aléatoire. Au sein d’une psychanalyse d’inspiration jungienne, on cherche ainsi à donner un sens symbolique aux évènements dans le cadre de la cure, non par Délire d’interprétation, mais dans le cadre d’un processus de narration et de symbolisation. Il convient ainsi d’être prudent : si l’idée d’Unus Mundus est une hypothèse permettant de comprendre notre unité avec le monde il faut éviter de voir dans chaque évènement un « signe » qui nous est directement adressé pour ne pas tomber dans la pathologie (Idée de référence, délire d’interprétation voire paranoïa).
Le Docteur Reefschläger, dans une étude de 2018, a ainsi pu avoir des résultats encourageants quant à l’utilisation de l’idée de Synchronicité dans le cadre de la thérapie : bien utilisée, cette idée de symbolisation des évènements au sein de la cure permettrait une amélioration significative de l’état mental.

Monisme Pauli-Jung

Une fois que l’homme a réuni en lui les contraires, plus rien ne vient contrarier sa capacité à voir objectivement les deux aspects du monde [subjectif et objectif]. La division psychique intérieure est remplacée par une image du monde divisée, et cette seconde division est inéluctable car aucune connaissance consciente ne serait possible sans cette discrimination. Le monde n’est en fait pas divisé, car c’est un unus mundus que l’homme unifié a devant lui. Il lui faut cependant opérer une division au sein de ce monde unifié pour pouvoir le connaître, à condition de ne jamais oublier que ce qu’il est en train de diviser reste en fait toujours un monde unifié et que la division est une décision de la conscience

Carl Gustav Jung et Wolfgang Pauli, Correspondance 1932-1958

Mais surtout comme nous le disons le principe d’Unus Mundus repose sur le postulat qu’il y aurait une union de nature entre psyché et physique, entre matière et esprit : en un sens énergétique psychique et énergie physiques seraient unis par une même nature.

Cette idée audacieuse a été défendue dans l’idée de Monisme à double aspect : selon cette idée, développée surtout à partir de Spinoza, esprit et matière seraient deux aspects complémentaires et irréductibles de la réalité.
Le physicien Wolfgang Pauli et le psychiatre Carl Gustav Jung ont commencé à réfléchir sur les relations entre l’esprit et la matière dans les années 1930, mais ce n’est qu’en 1946 que leur correspondance a abouti à une version du monisme à double aspect appuyée sur la physique quantique et la psychologie des profondeurs. La conjecture de Pauli-Jung postule l’existence d’une transition parallèle (psychique-physique) entre la dimension holistique et ontologique de la réalité sous-jacente et celle locale et épistémologique de la conscience, où apparaît le double aspect complémentaire de ce qui ne serait au fond qu’une seule et même réalité. Les caractéristiques holistiques du monde quantique et celles de l’inconscient archétypal sont mises en parallèle. La théorie à double aspect de Pauli est inspirée par les intuitions de la physique quantique et peut être vue comme une source valable d’inspiration pour une réactualisation de la théorie du double aspect.

Dans Synchronicité comme principe de connexions a-causales, Pauli et Jung postulent qu’il existerait 4 lois régissant l’Unus Mundus et unissant ainsi phénomènes psychiques et physiques :

  • La causalité : idée selon laquelle un évènement peut être rattaché à une cause dont il est la conséquence.
  • La synchronicité qui se veut la contrepartie de la précédente, où des évènements apparemment non liés se retrouvent unis par une sorte de chaine acausale.
  • La nature indestructible de l’énergie
  • et enfin le continuum espace-temps

Le philosophe David Chalmers propose une conception proche de celle de Jung et Pauli : en 1996 il a présenté un programme de recherche visant à résoudre le « problème de la conscience » dans son livre de philosophie de l’esprit intitulé L’Esprit conscient. Ce programme se base sur la théorie mathématique de l’information de Claude Shannon, et propose l’idée d’une double réalisation de l’information : soit physique et objective, soit phénoménologique et subjective, liée à notre vécu du réel. Chalmers suggère que cette dualité peut correspondre à une connexion fondamentale entre les processus physiques et l’expérience consciente. Il appelle cette règle primitive le « principe du double aspect », qui implique que l’information a deux aspects, un aspect physique et un aspect subjectif. Cette matrice conceptuelle permettrait d’établir des lois psycho-physiques unifiant le vécu du monde et les phénomènes.
Selon l’ontologie proposée par Chalmers, il existe un ensemble fondamental d’espaces informationnels unifiant les aspects internes (phénoménaux) et les aspects externes (physiques) des états informationnels. En somme, on pourrait grossièrement dire que tandis que l’expérience serait l’information vue de l’intérieur, la physique serait l’information vue de l’extérieur.

Je précise ici que, comme toute idée, l’Unus Mundus est critiquable : si de nombreux scientifiques sérieux comme Hubert Reeves ont étudié cette idée, beaucoup de penseurs ont critiqué les principes Jungiens (Synchronicité, Archétype etc), et il convient donc de ne concevoir ce concept que comme une conjecture intéressante, peut-être probable mais jamais certaine.
Je mets en garde les lecteurs contre les extrapolations new-age du mysticisme quantique. De plus je propose ici un résumé vulgarisé de thèses (et donc issu d’un travail d’amateur, n’étant pas moi-même scientifique) et non une vision complète de celles-ci : si je devais avoir fait des raccourcis fallacieux, n’hésitez pas à me le signaler.


Que pensez-vous de l’idée d’Unus Mundus ? Délire ou réflexion intéressante ? Parlons-en en commentaire !

Si vous souhaitez suivre une cure psychanalytique et explorer l’idée d’Unus Mundus, prenez rendez-vous dès aujourd’hui !

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *