Le fait de donner des leçons semble courant de nos jours : est-ce une qualité ou un méchant défaut ? Voyons cela ensemble !

De nos jours avec l’essor des réseaux sociaux, on voit poindre un mode de communication militant de plus en plus violent, fanatique et sans concessions. Derrière cette attitude, il y a une volonté forte de donner des leçons, et de s’ériger en parangon de vertus.

Cet article ne critique pas les démarches pédagogiques, au contraire : ici nous ne critiquons justement pas la pédagogie, qui est liée à un cadre précis (l’enseignement à des enfants ou adultes, dans le cadre familial, scolaire, professionnel ou de formation) mais bien le jugement de valeur, sous couvert d’une quelconque morale soi-disant absolue, d’autrui. Nous avons tous pu prendre cette posture de donneurs de leçons : en devenant écolos, en apprenant la nocivité de telle pratique ou de telle substance, en changeant de style vestimentaire. On peut tous sombrer dans le gatekeeping ou l’intolérance à divers degrés.

Mais quelle en est la raison ? Il existe plusieurs raisons qui, à mon sens, expliqueraient cette attitude.

Donner des leçons : un souci d’image

Les personnes qui donnent des leçons aux autres ont tendance à être dans une démarche de jugement, envers les autres mais aussi envers eux. Or, comme nous l’avons vu, cette attitude est malsaine car elle créée nécessairement une idée de hiérarchie basée sur des critères discutables. C’est ainsi qu’une personne qui n’a pas nos opinions passera pour mauvaise, inférieure voire pire, inacceptable. Certains donnent des leçons pendant une petite période, souvent difficile, de leur vie, d’autres vivent pour donner des leçons ; en tous les cas, le processus intérieur est le même comme nous allons le voir.

Ce besoin de revaloriser son image correspond ainsi selon moi à deux fonctionnement psychologiques fondamentaux :

  • Le sentiment d’infériorité : à cause d’un problème de développement de l’image de soi, et donc d’un manque narcissique, le militant extrémiste va développer une hyper-susceptibilité. Tout avis divergeant, tout mot ne rentrant pas dans son lexique idéologique, passera pour une attaque, un acte de haine, d’intolérance. Cette paranoïa pourra prendre corps dans l’idée d’un complot, complot justifiant ses propres manquements personnels. Donner des leçons c’est ainsi se revaloriser sa propre image en pointant chez l’autre les défauts qu’on possède soi-même.
  • Le personnalisme (ou sur-socialisation) : souhaitant se rebeller, mais refusant de travailler sur la cause de son mal-être et donc sur lui-même, le donneur de leçon maladif va paradoxalement devenir un apôtre de la morale commune. Ainsi, pensant pourtant être dans le cadre d’une opposition frontale à un système qu’il dit mépriser, il va en adopter l’intégralité de la dialectique et des valeurs, en les extrapolant ad nauseam. Se méprisant profondément, il va adopter une idéologie souvent fondamentalement opposée à ses propres intérêts comme si cela revenait à faire ainsi montre d’une grande abnégation : en vérité, il vit ainsi par et pour l’autre, et ce faisant, en reniant totalement son être et ses besoins, il se perd lui-même et ne voit plus dans autrui qu’une projection de ses propres défauts. C’est le retour en force de ce qu’il nie.

Projection et déni

Comme nous l’avons dit, c’est parce que l’on a un problème avec sa propre image de soi qu’on donne des leçons : on remarquera que les fanatiques de la moraline s’identifient souvent à des groupes dont ils ne font pas partie. Ils projettent ainsi dans ces groupes les fantasmes dont ils se sentent dépourvus. Par un raisonnement proche du mythe du bon sauvage ils idéalisent chez l’autre ce qu’ils critiquent au sein de leur propre identité personnelle, familiale, nationale, ethnique ou civilisationnelle. Tout est pardonnable chez l’autre, rien chez soi-même. Plutôt que de travailler sur soi, sur l’image du père ou de la mère, sur ses archétypes ou son histoire, le moralisateur va chercher à tout prix à créer une atmosphère vindicative d’affrontement manichéen entre deux camps : le sien et le camp de la haine.

L’amour débordant pour autrui qu’il crache au visage du monde est aussi caricatural et violent que la haine qu’il se voue à lui-même : ainsi, quand on donne des leçons sans arrêt à autrui, et qu’on pense de plus être ainsi dans son bon droit, on se cache à soi-même le fait que par cet acte on cherche par tous les moyens à agir à l’inverse de sa nature profonde.
Il est en effet intéressant de voir que l’on se donne souvent l’image qui correspond le moins à ce que l’on est. Une personne humble ne dit jamais qu’elle l’est. Et à l’inverse ce sont souvent les apôtres de la tolérance et du vivre ensemble qui ne supportent pas que l’on s’oppose à eux. Ils présentent donc au monde une personnalité totalement opposée à leur individualité.

Prenons l’exemple des Nice guys ou White knights : ce sont des hommes qui prétendent être féministes, et s’attèlent à défendre toute femme qui, selon eux, est agressée, dans le seul but d’obtenir une gratification sentimentale ou sexuelle. Or leur démarche est justement l’image de leur misogynie : ce qu’ils pensent combattre c’est ce qu’ils sont en leur for intérieur. On ne parle pas au nom d’une communauté pour la défendre si on ne considère pas qu’elle ne peut pas le faire par elle-même. C’est leur grand mépris de la gente féminine qui les pousse à les protéger.
De la même manière ceux qui défendent les actions violentes de leur « famille idéologique » ne les tolèrent pas chez les autres, et ne comprennent pas l’ironie de leur attitude : le fait qu’ils condamnent les mêmes actes violents qu’ils défendent quand ils sont commis par les leurs est une image glaçante de leur reniement de la règle d’or. Comment peut-on se dire défenseur de l’égalité quand on défend une justice qui n’est pas la même en fonction de l’étiquette idéologique des auteurs d’un acte ?

Philosopher plutôt que donner des leçons

La liberté doit être à la base de la pensée : si on considère que des règles, idéaux ou principes doivent a priori s’imposer à l’esprit sans qu’il soit besoin de les prouver, et en interdisant qu’on en débatte, alors on est déjà embrigadé. Chacun a le droit d’avoir des idéaux, et de se battre pour eux, mais le sage ne doit pas avoir d’opinion : il ne projette pas sur le monde ses propres sentiments ou insécurités, il ne tord pas le réel pour le faire correspondre à ses désirs. Il est plutôt à l’écoute de sa personne et des autres, et sait entamer un dialogue réel. Il reste donc ouvert à l’idée d’avoir tort car il n’est pas dans un rapport de compétition ou de hiérarchie. Ce qu’il cherche ce n’est pas avoir raison, mais découvrir la vérité.

Contrairement à ce que l’on entend souvent nous sommes justement, de nos jours, dans un monde éminemment moralisateur : tout, jusqu’à la peinture de nos murs, est devenu un lieu de réflexions de comptoirs. Le véritable vivre ensemble passe avant toute chose par la capacité de considérer que l’autre n’est pas une projection de moi, ou une partie de moi : c’est dans la diversité des personnes, dans l’aspect unique des cultures et des mondes que réside la beauté de la condition humaine. Notre unité réside justement dans notre capacité à apprendre de cette différence, et de cette confrontation à l’autre, et non dans la volonté d’universaliser, mondialiser, et réduire l’autre à un biais pour exprimer sa fatuité. De même ne doit-on pas apposer de jugement sur le réel : juger le monde comme bon ou mauvais, et tenter d’altérer la nature pour correspondre à ses fantasmes, est déjà une démarche malsaine.

Quand nous jugeons l’autre, nous considérons qu’il agit volontairement et doit être puni. Nous devenons alors méprisants et violents. Et paradoxalement, nous le poussons ainsi à rejeter nos propos, puisque notre intolérance nous rend méprisables. Tandis que par une discussion respectueuse nous aurions pu apprendre l’un l’autre de nos positions respectives, en prenant une posture professorale, on se place dans une démarche où nous considérons que nous avons raison et que l’autre ne peut qu’avoir tort. Ainsi, on se rend totalement imperméable à ses arguments et on attend de lui qu’il se soumette à nous : c’est, par nature, hypocrite. De plus cela créée des affrontements stériles, de la haine, du ressentiment et de la misanthropie, tant chez nous que chez autrui : mieux vaut être l’exemple vivant, par nos actes, des idéaux qu’on défend, que de chercher à taper sur l’autre suffisamment pour qu’il se plie à notre volonté.

Nous devons apprendre à cesser de juger, à lâcher prise face aux choses que l’on ne peut contrôler, et à nous enrichir grâce à l’altérité.


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