Ne pas juger. Voilà un conseil qu’on entend souvent, asséné comme une vérité absolue. Mais comment pratiquer cela sans tomber dans une vision du monde new age et cucul la praline ? Voyons cela ensemble !
L’idée qu’il ne faut pas juger est liée à la règle d’or : ne pas juger autrui serait indissociable de l’empathie. Si je suis d’accord que le jugement de valeur est la plupart du temps mauvais, qu’il soit orienté envers l’autre ou envers soi-même, il convient de nuancer ce propos. Il faut aussi bien comprendre qu’il existe une différence entre analyse et jugement : l’analyse permet de se prémunir des dangers, et de comprendre le fonctionnement de quelque chose ou de quelqu’un, tandis que le jugement entend définir la valeur d’une chose, et donc sa propension à être puni ou récompense. C’est cette dernière attitude qui est problématique.
Quelles sont les justifications pour ne pas juger :
- Nous avons tous le droit de changer : étant thérapeute je crois dans la possibilité de changer. En effet en jugeant une personne, on lui refuse le changement. Peut-être qu’une personne nous a mal parlé, mais est-ce nécessairement le sceau d’une méchanceté intrinsèque ? N’avons-nous pas été nous-même agressifs à cause de la faim ou d’une mauvaise journée ?
Maintenant, le soucis de cette idée c’est qu’elle nous empêche de nous défendre des vrais prédateurs : il faut donc comprendre que toute attitude nécessite de la tempérance. Si chacun peut changer, tous ne le font pas. Et de même si l’on peut pardonner les petites choses, un violeur ou un pédophile ne mérite nul pardon. Rien ne justifie la monstruosité : certaines personnes ont eu une vie immonde, ont été victimes mais ne sont pas devenus bourreaux. Aussi il faut admettre que certaines personnes nous feront toujours du mal ; il ne s’agit pas alors de jugement de valeur, mais de réalisme. En cessant d’apposer un jugement sur chaque personne à cause de tout petit acte manqué, on devient plus attentifs aux comportements répétés et volontaires des autres : on ne juge pas mais on sait se protéger. - Nous ne savons pas tout : comme je le disais, on a tous eu de mauvaises journées. Nous avons des traumatismes et une histoire. Tout le monde ne la connait pas. Or certains comportements peuvent trouver leur origine dans des drames. Cela ne veut pas dire qu’on doit tout justifier. Mais on doit prendre en compte le fait qu’on ne sait pas tout : juger nécessite de connaître toute la situation, et c’est rarement le cas.
- Qui sommes-nous pour nous ériger en juge ? : trouverions-nous normal qu’un juge soit un proche de l’accusé ou de la victime ? Non. Pourtant quand on appose un jugement celui-ci est souvent définitif, sans nuances, et on est tout à la fois juge et partie. Nous ne sommes pas parfaits, et souvent on oublie que nous aussi avons pu, dans certaines époques de notre vie, être imparfaits. De plus, sous quels critères juge-t-on ?
Cette idée de jugement s’intègre dans un raisonnement de hiérarchie : plutôt que de voir les êtres comme uniques, elle vise à les réduire à un système de classification non-scientifique, basé sur nos propres valeurs et opinions. Ce me semble être une posture très néo-libérale : les humains deviennent des produits, et on les catégorise en fonction de leurs revenus, de leur physique selon des codes irréalistes. Ce faisant on créé un genre de compétition permanente entre les personnes, forçant à la comparaison, et poussant à la consommation pour compenser nos « défauts ». Cesser de juger, c’est aussi admettre que chacun est unique, et ne plus se comparer aux autres. - Le philosophe refuse le manichéisme et l’opinion : de même que l’identité est un processus et pas quelque chose d’entièrement gravé dans le marbre (même si certaines choses ne changeront jamais, comme notre date de naissance, notre origine, notre adn), tout change dans ce monde. Aussi ne pas juger c’est rester ouvert à la réalité. On peut vite sombrer dans un dualisme, une opposition du bien et du mal, de soi et des autres quand on juge. De même tombe-t-on dans une attitude de médisance, on prend plaisir aux ragots, et on oublie qu’on aimerait pas qu’on se moque de nous de la même manière qu’on se moque des autres.
Mais l’idée de ne pas juger peut s’étendre aussi à ce monde comme on l’évoquait : si nous avons une vision ultra-négative, ou même positive de l’univers et de la vie, nous nous leurrons. Nous apposons en effet au réel des concepts humains : le monde n’est pas juste car la justice n’a de sens qu’au sein d’une civilisation. Sinon cela reviendrait à dire que tout ce qui nous arrive de négatif est une punition, et que tout le bien est une récompense : c’est une pensée d’esclave, hautement malsaine. Le monde n’est pas laid ou beau, il est au delà de nos jugements et de nos envies. Il n’a pas à répondre à nos envies ou désirs. Serions-nous nés « trop petits » que nous ne pourrions en vouloir au monde. Nul n’est responsable de nos caractères génétiques, et nous ne pouvons rien contre cet état de fait. Il nous faut agir sur ce sur quoi nous avons un pouvoir : nos jugements et croyances. En arrêtant de croire qu’il y a « une taille idéale » ou « un physique parfait », et en cessant de nous comparer aux autres, on vit enfin la vie pour elle-même, sans attente et de façon apaisé.
Cesser le jugement n’est donc pas un délire mièvre, mais il s’agit d’une démarche en soi : on ne parviendra jamais à être parfaits, mais en essayant, on vit mieux !
Que pensez-vous de l’idée de ne pas juger les autres ? Délire spiritualiste et hippie, ou vrai art de vivre ? Parlons-en en commentaire !
Si vous souhaitez apprendre à être plus juste au quotidien, prenez rendez-vous dès aujourd’hui !