On entend souvent parler de l’Œdipe. Pourtant ce concept est polémique. Dans cet article je vais vous parler du complexe de l’Androgyne, plus à même selon moi de décrire notre psyché.

Je précise ici que cet article dépeint ma conception clinique personnelle, fruit de mon travail et de mes réflexions : je n’entends pas présenter ce travail comme une réalité absolue, mais plutôt comme un point de départ vers une réflexion. Je vais, comme l’avait fait Freud, utiliser des mythes anciens pour appuyer mon propos : ma démarche n’est pas ici religieuse ou scientifique mais symbolique. Tout comme la psychanalyse est une cure basée sur le dialogue et donc le symbole, les concepts qui s’y rattachent ne se veulent pas scientifiques et descriptifs mais symboliques et analogiques. Il s’agit de permettre à l’analysant de puiser dans l’Imaginaire pour symboliser et intégrer ses processus inconscients.
Le complexe de l’Androgyne est à la fois une crise et un processus permettant de comprendre notre fonctionnement.

Le Complexe de l’Androgyne face à l’Œdipe

Outre les critiques de fond qu’on pourrait faire sur l’universalité du concept psychanalytique d’Œdipe, sur l’interprétation du mythe grec par Freud, ou sur la psychanalyse freudienne en soi, force est de constater que l’Œdipe se heurte à de nombreux problèmes, le premier étant l’aspect non-scientifique et arbitraire de cette théorie. En effet, tandis que je prône l’utilisation conjointe des avancées des sciences cognitives et neurologiques et de la démarche psychanalytique, considérant que cette dernière doit se garder de considérer ses thèses comme des faits scientifiques mais les utiliser comme des outils symboliques qui s’inscrivent dans une cure basée sur le dialogue, Freud, quant à lui, affirme la réalité d’une conception discutable.

Complexe de l'Androgyne : photo d'un couple dans un lit

Déjà, il est bon de rappeler l’aspect problématique de nombre de tenants de la psychanalyse freudienne comme Dolto qui défendait l’inceste, ou de Freud lui-même : la sociologue Marianne Krüll, dans Sigmund fils de Jacob, a affirmé que Freud, de son propre aveu, avait occulté les viols incestueux que son père avait fait subir à sa famille. Suivant ce raisonnement, la psychanalyse Marie Balmarie dans L’Homme aux statues, Freud et la faute cachée du père pose une question décisive : le complexe d’Œdipe ne serait-il pas un moyen pour Freud d’universaliser l’aspect incestueux de son père pour le dédouaner, tout en rendant ces viols imaginaires, fantasmés, et leur retirer leur réalité ?
En effet à l’origine, Freud considérait que tout problème mental, hystérie ou névrose, était lié à une « séduction parentale » ou neurotica réelle avant de créer sa théorie Œdipienne et de considérer que cet inceste n’était pas vécu mais fantasmé. En faisant de l’inceste et de la sexualité une composante universelle, et même constitutive, de la nature humaine, Freud allait légitimer l’inceste, du moins sous une forme plus ou moins fantasmée : toutes les activités mentales ayant pour origine et but la sélection de l’espèce, il devenait normal que les processus mentaux s’orientent vers la sexualité, et que l’enfant au sein de son développement soit tout entier mû par des pulsions sexuelles « prégénitales » dont les parents seraient les supports. La petite fille rêve de récupérer le phallus dont elle est privée par la séduction de son père, et le petit garçon subit une castration symbolique en se rendant compte qu’il ne peut posséder sa mère vu que cette dernière appartient à son père (d’où le désir de posséder sa mère et tuer son père) : ce résumé grossier à lui seul permet de comprendre combien cette théorie est discutable.

En réalité, si l’on essaye de retirer ces aspects sexuels liés à une lecture très simpliste de la théorie Darwinienne, on peut comprendre que Freud essayait de comprendre, par l’Œdipe, le processus par lequel la psyché humaine se déploie, et donc au sein duquel les maladies mentales prennent corps. Son intuition était bonne mais a souffert à mon sens de l’aspect balbutiant des sciences de son temps, ainsi que de sa prétention à imposer une théorie « scientifique » et absolue dépassant les limites de la discipline psychanalytique, le tout sans se rendre compte des projections qu’il faisait en échafaudant ses théories.

Le Mythe des origines

Dans la plupart des mythes indo-européens (cf les métamorphose d’Ovide, les Eddas, les Vedas etc), on retrouve l’idée d’une création du monde selon un schéma archétypal : au commencement, il n’y avait rien, si ce n’est un Abîme béant. De cet Abîme naît un Être primordial, ni homme ni femme et tout à la fois les deux, qui emplit tout. Dans cette unité, tout est lié si bien que rien ne possède d’existence propre. Cet être s’auto-sacrifie alors pour donner naissance à l’univers que nous connaissons.

Le Purusha a mille têtes,
il a mille yeux, mille pieds.
Couvrant la terre de part en part,
il la dépasse encore de dix doigts.
Le Purusha n’est autre que cet univers,
ce qui est passé, ce qui est à venir (…)
Tous les êtres sont un quartier de lui.

Inspiré de Louis Renou, traduction des Hymnes spéculatifs du Veda, Gallimard, Paris 1956, page 97

On peut apposer de nombreuses interprétations différentes à ce mythe, en adoptant une posture néoplatonicienne, ou en l’analysant comme une métaphore psychologique. Sans entrer dans les détails, on voit que le passage de l’Unité inconnaissable à la Dualité que nous connaissons se fait dans un acte violent (le meurtre d’un géant par 3 dieux dans les Eddas, dans la Rig-Veda le combat à mort de deux jumeaux, et, selon les interprétations de Ramchandra Narayan Dandekar et Martin Litchfield West, le suicide de l’Être primordial) : il s’agit d’une crise cosmique. Il y a un voile, une abîme entre l’Unité et la Dualité.

Dans une interprétation centrée sur l’homme et sa psyché, on peut comparer la crise primordiale avec le passage de l’indifférenciation utérine, où mère et enfant ne font qu’un, à la conscience progressive de soi : ce mythe devient alors une métaphore du passage d’une unité sans conscience à la dualité moi-autre, enfant-mère, interne-externe etc. La véritable crise fondatrice prend ainsi racine, selon moi, dans le processus de conception, puis de naissance, surtout eut égard à l’universalité des mythes fondateurs quant au passage de l’unité à la multiplicité.

Le Complexe de l’Androgyne se définit ainsi comme une crise métaphysique par laquelle l’être passe de la nescience à la conscience au cours du développement utérin puis des premières années de vie. Ce complexe est à l’origine de la volonté de retourner à une certaine forme d’unité et d’harmonie par le truchement de l’union amoureuse.

Complexe de l'Androgyne : photo d'un couple se câlinant, le femme étant enceinte

Cette crise se réactualise donc dans le couple. En effet on retrouve aussi l’idée d’Androgyne dans le mythe que Platon nous rapporte : au commencement l’homme était femelle et mâle en même temps, et possédait de grands pouvoirs. La dualité se retrouve en effet illustrée par la complémentarité sexuelle : tous les peuples ont fondé une mystique particulière dans l’union entre l’homme et la femme, et dans la procréation. Dans la quête de notre moitié, nous chercherions à retourner à l’unité perdue par la naissance, mais selon un autre éclairage : ce n’est pas une unité indissociée que nous visons à atteindre par l’Amour, mais à une union sans confusion. L’homme et la femme par leur amour créent un troisième tiers, l’enfant, qui lui-même réentame le cycle.
Les Aspirations mystiques seraient ainsi interprétables comme des volontés de retour à une forme d’unité particulière. Le principe de Nirvana est alors une aspiration au Zéro, au retour à l’abîme, à la vacuité précédant le temps et l’existence, tandis que l’amour serait une aspiration à l’unité par la symbiose, pouvant dégénérer dans une fusion aliénante. Le véritable acte d’amour procède en effet non pas d’une disparition des individualités mais au contraire de leur exacerbation : le sujet ne se sait sujet qu’en face de l’objet. Nous ne comprenons notre place dans ce monde que par le contact avec l’autre et dans le décentrement que nécessite tant la posture de membre d’un couple, que de celle de parent ; enfin notre place en tant que membre d’une société, d’un groupe, procède aussi de ce besoin d’unité.

L’homme est ainsi un équilibriste qui, pour maintenir son cap, doit rester sur une voie médiane entre individualisme (où l’autre est nié) et personnalisme (où l’on se nie soi-même), pour atteindre un développement sain de soi : on ne doit ni tendre à retourner dans un passé fantasmé, ni espérer un accomplissement parfait et définitif, mais concevoir la vie comme un moyen d’intégrer la réalité pour ce qu’elle est, sans projection ni fantasmes.


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